Aujourd’hui, environ 60 % des contrats de travail dans l’Union européenne sont des CDI à temps plein. Cependant, les temps partiels et les contrats de travail temporaires (intérim) représentent une part grandissante du marché de l’emploi.
En 2003, bien avant la crise économique européenne, 15 % des travailleurs européens occupaient un poste à mi-temps. En 2015, ce pourcentage a grimpé jusqu’à 19 %. Durant cette même période, les contrats de travail temporaires ont progressé, passant de 9 à 11 % de l’ensemble du marché du travail. L’intérim offre encore moins de sécurité que les contrats à durée indéterminée à temps partiel. Le travail temporaire est souvent accompagné de bas salaires, de formation inférieure et de possibilités de carrière limitées. Pour les travailleurs, il est plus difficile d’accéder au crédit, de planifier sa consommation ou encore d’avoir droit aux allocations de chômage.
La sécurité de l’emploi pèse sur la satisfaction générale des travailleurs. Depuis le début de la crise de 2008, de nombreux Européens ont été contraints d’accepter des contrats temporaires ou des temps partiels à durée indéterminée alors qu’ils souhaitent un CDI à temps plein. Dans de nombreux cas, les contrats temporaires ou à mi-temps ne permettent pas de déboucher sur un temps plein. Dans certains pays, les salaires sont tellement bas que les travailleurs courent le risque de basculer dans la pauvreté. Les emplois dépourvus de sécurité existent un peu partout dans l’Union européenne, mais sont particulièrement courants dans des pays du Sud comme la Grèce, l’Espagne et le Portugal, où la crise de l’emploi fut plus grave et la reprise économique plus fragile. De plus, la structure de l’économie de l’Europe du Sud est plus propice à la création de ces emplois précaires.
L’absence de sécurité de l’emploi n’est pas réservée aux membres du sud de la zone euro : des pays en Europe de l’Est et Centrale comme la Pologne et la Bulgarie affichent également des taux élevés de contrats temporaires à bas salaires. Mais le chômage a grimpé plus vite dans le sud de l’Europe, où la crise fut plus intense. Le chômage élevé et la croissance économique insuffisante ont exposé la fragilité du secteur bancaire de plusieurs pays et remis en question la pérennité de la dette publique et privée. Tout cela a engendré un terreau fertile pour l’émergence de partis politiques anti-système susceptibles de menacer l’existence de la zone euro.
Le recours à des formes précaires et temporaires d’emploi est un phénomène normal durant les premières étapes d’une reprise économique. Mais en perdurant, ce recours peut ralentir l’économie en limitant les perspectives de croissance émanant de la demande domestique, par exemple. De plus, le creusement des inégalités alimente les tensions sociales et politiques. Même si le chômage baisse globalement, des problématiques telles que la sécurité de l’emploi, les bas salaires, le chômage de longue durée et le manque de perspective de carrière pourraient entraver la reprise économique de l’Europe du Sud.
Article de Stratfor, publié le 19 avril 2017