Fin de semaine dernière, les marchés actions des 4 coins du monde ont baissé. De leur côté, les bons du Trésor américain laissaient présager une possible récession après la publication de chiffres économiques américains et européens qui ont intensifié les craintes d’un éventuel ralentissement économique mondial.

Après la publication de chiffres américains faibles en ce qui concerne la production industrielle et les services, le taux des obligations américaines sur 10 ans est passé en dessous du taux des Treasuries sur 3 mois pour la première fois depuis 2007. Les investisseurs ont déserté les paris plus risqués alors que l’inversion de la courbe des rendements est considérée comme l’un des indicateurs les plus fiables d’une récession.

Plus tôt, les Bunds sur 10 ans sont passés en territoire négatif pour la première fois depuis octobre 2006. Cela s’est produit suite à la contraction de la production industrielle allemande en mars, et ce pour le 3e mois consécutif. L’activité industrielle européenne fut généralement très décevante.

Wall Street a embrayé sur l’Europe en partant à la baisse. Celle-ci s’est accélérée malgré les déclarations des stratégistes qui estiment que cette récession prendra du temps à se matérialiser, ou pourrait même être évitée.

« Nos modèles signalent clairement une augmentation des risques de récession, mais nous sommes à l’orange, pas au rouge », a déclaré Dan Ivascyn, CIO de Pimco. Les 3 indices boursiers américains majeurs ont enregistré leur plus grosse perte quotidienne, exprimée en pourcentage, depuis le 3 janvier. Le Dow Jones a baissé de 1,77 %, le S&P 500 de 1,9 % et le Nasdaq de 2,5 %. L’indice paneuropéen STOXX 600 a reculé de 1,2 % tandis que l’indice mondial MSCI s’est replié de 1,48 %.

« Le scénario historique de cette inversion est significatif », a déclaré Peter Kenny, fondateur de Kenny’s Commentary LLC et Strategic Board Solutions LLC de New York.

« On ne peut cependant pas conclure avec certitude qu’il y aura une récession en 2019. Il s’agit d’un indicateur montrant un horizon qui annonce des faiblesses, et franchement une grande partie de cette faiblesse peut déjà se voir en observant ce qu’il se passe à travers le monde. »

Mercredi dernier, la FED a adopté un ton plus conciliant qu’anticipé, annonçant qu’il n’y aura plus de relèvement des taux cette année et qu’elle mettra un terme à son resserrement quantitatif.

Si certains stratégistes pensent que la FED pourrait baisser son taux directeur afin d’éviter la récession, d’autres sont plus prudents.

« Cela pourrait arriver au plus tôt en décembre, même si je pense que ce serait probablement prématuré », a déclaré Justin Lederer, stratégiste taux d’intérêt chez Cantor Fitzgerald à New York.

Les chiffres préliminaires de la production industrielle et des services américains de mars ont montré une croissance inférieure à celle de février pour les 2 secteurs, d’après les données d’IHS Markit. La croissance de l’activité industrielle fut la plus basse depuis juin 2017, tandis que les PMI des 2 secteurs furent plus faibles qu’anticipé.

Cependant, les obligations américaines sur 10 ans avaient déjà franchi le seuil psychologique des 2,5 %, avant la publication des chiffres américains, pour atteindre leur rendement le plus faible depuis décembre 2017.

Les doutes concernant les progrès accomplis sur le dossier du litige commercial sino-américain se sont ajoutés à toutes ces incertitudes. Le président américain Trump a déclaré que les négociations progressaient et qu’un accord final « serait probablement trouvé », affirmant que son souhait de maintenir les droits de douane sur les importations chinoises pendant un certain temps ne remettait pas en question l’issue des pourparlers.

Clete Willems, l’un des négociateurs clés dans le dossier chinois, a déclaré qu’il quitterait son poste dans les semaines à venir afin de passer plus de temps avec sa famille. (source)

3 arguments pour la baisse du dollar

Du côté de chez Morgan Stanley, on anticipe une baisse du dollar alors que 3 paramètres qui ont contribué à sa hausse l’année dernière risquent de s’inverser.

« Un ralentissement cyclique dans le reste du monde, la montée des risques engendrés par le protectionnisme et un mélange de politiques fiscales accommodantes et de politiques monétaires restrictives aux États-Unis ont propulsé le dollar à la hausse l’année dernière », ont écrit les stratégistes menés par Hans Redeker dans une note jeudi dernier. « En 2019, on devrait assister à un renversement de la situation. »

Les politiques américaines sont en train de basculer, avec une FED qui renonce à relever son taux directeur et qui va mettre un terme à son resserrement quantitatif dans quelques trimestres. Sur le front fiscal, nous n’assisterons pas aux baisses d’impôts de l’année dernière.

Les tensions commerciales s’apaisent, les négociations sino-américaines au plus haut niveau laissent au moins présager un accord qui éliminerait, à terme, la hausse des droits de douane américains sur les importations chinoises.

Les mesures chinoises devraient payer en engendrant au mieux une reprise, au pire une stabilisation de la croissance économique dans les mois à venir. Cela devrait aider la zone euro, dont l’économie dépend des exportations, où certains indicateurs sont devenus récemment plus positifs. Les marchés ne semblent pas préparés « a un cycle de faiblesse du dollar autoalimenté engendré par ces 3 dynamiques« , selon l’équipe de Rederker. En guise de preuve, ils ont avancé la volatilité implicite de la paire USD/JPY. « Nous pensons que les marchés sous-estiment considérablement la non-linéarité de ces dynamiques qui s’autoalimentent. »

Selon Sputnik, le groupe Morgan Stanley a également évoqué une dynamique à plus long terme qui pourrait peser sur le dollar et, plus généralement, sur les actifs américains : un glissement mondial vers la désépargne. Les pays excédentaires, dont le Japon et la Chine, ont vu leurs excédents diminuer. Cela laisse moins de choses à réinvestir sur les marchés des capitaux américains.