« Je suis heureux de vous annoncer ce soir que jamais notre économie ne s’est si bien portée. »

Le président Trump à l’occasion de son discours sur l’État de l’Union.

Dans son discours de mardi sur l’État de l’Union, le président Trump a profité de cette tribune pour promouvoir la bonne santé des marchés et de l’économie :

  • Chômage plus bas ;
  • Baisses d’impôts ;
  • Création d’emplois ;
  • Croissance ;
  • et, bien sûr, la Bourse à des niveaux records.

Il s’agit certainement de choses qu’il peut mettre à son crédit, cependant les prix records des marchés actions minent l’ensemble du bilan. Je vais vous expliquer pourquoi.

Les marchés actions devraient être le reflet de la croissance économique réelle. Vu que les bénéfices des entreprises dépendent principalement de la consommation, des investissements, des importations et des exportations, l’activité économique réelle devrait être reflétée dans le prix que les investisseurs sont prêts à payer pour les bénéfices qui sont générés.

Durant la majorité du XXe siècle, ce fut en effet le cas, les bénéfices étaient le reflet de l’activité économique. Le graphique ci-dessous montre les fluctuations des bénéfices enregistrés, du PIB nominal et du S&P 500.

Sans surprise, alors que la croissance fut en moyenne de 6,47 %, les bénéfices ont également grimpé de 6,68 % en moyenne, comme on aurait pu s’y attendre. Vu que les investisseurs sont prêts à payer une prime qui anticipe la croissance des bénéfices, le S&P 500 a grimpé en moyenne de 9 % par an durant la même période.

Il est également intéressant de noter que la croissance économique moyenne à long terme est de 6 %. Mais comme on peut le voir sur le 3e graphique, la croissance est inférieure à la moyenne annuelle depuis 2000. Et cette tendance est surtout visible depuis 2007, avec une croissance annuelle moyenne de 2 %.

Le graphique ci-dessous met mieux en exergue la faiblesse de cette croissance. Depuis la crise financière, la croissance économique ne parvient plus à retrouver sa trajectoire haussière exponentielle. De plus, les bénéfices des entreprises divergent fortement de ce que la croissance économique sous-jacente peut générer. Cela s’explique par une décennie de maquillages comptables, de rachats d’actions, de mise en sourdine des salaires, de taux bas et d’endettement des entreprises.

Le graphique suivant montre cette divergence en comparant la valeur du S&P 500 par rapport à la croissance économique.

Alors que la tendance actuelle de la croissance est bien en dessous de la tendance exponentielle à long terme, le S&P 500 affiche la plus grosse divergence avec cette croissance de l’histoire (il est intéressant de noter que ces divergences peuvent durer longtemps, mais qu’un retour à la moyenne finit toujours par avoir lieu).

Le mirage des dépenses

Voyez le graphique ci-dessous.

Ce que le président affirme être une économie exceptionnellement forte repose énormément sur un chômage historiquement bas, des actifs à des valorisations historiquement élevées et une consommation forte des ménages. Mais cela cache une détérioration sous-jacente dont on ne parle pas. La question à 5 francs est la suivante :

« Si la consommation est forte, que le chômage est à des niveaux historiquement bas, que les taux sont bas, qu’il y a beaucoup de créations d’emplois… pourquoi la croissance n’est-elle que de 2 % ?

De plus, si l’économie se porte aussi bien que les statistiques officielles le suggèrent, pourquoi la FED continue-t-elle de prendre des mesures d’urgence, de baisser les taux, de fournir des informations prospectives aux marchés pour empêcher leur effondrement ? »

La vérité est que s’il n’y avait pas ce déficit énorme d’un trillion de dollars du gouvernement américain, nous serions en récession.

Dans la comptabilité du PIB, la consommation est la composante la plus importante. Bien sûr, vu qu’il est impossible « de s’autoconsommer pour être plus prospère », cette capacité à consommer davantage est fournie par la dette. De plus, la croissance économique est également impactée par les dépenses publiques, et notamment les transferts que sont Medicaid, Medicare, l’assurance invalidité, les tickets alimentaires : tout cela contribue au calcul.

Comme montré ci-dessous, entre les infusions monétaires de la Federal Reserve et le gonflement du déficit public, le S&P 500 continue de trouver du support.

Cependant, ces transferts ne créent rien. Ils ne sont même pas financés. En conséquence, la dette grimpe année après année. Mais cette dette alimente le PIB.

Les recettes fiscales en tant que pourcentages du PIB sont un autre angle pour apprécier ceci. S’il s’agit vraiment de l’économie la plus forte de l’histoire, on devrait assister à une incroyable croissance des salaires et de l’activité économique. Cela devrait déboucher sur des rentrées fiscales supérieures via l’impôt sur le travail, la TVA, les importations et les exportations. Vous voyez le problème ?

Ce n’est clairement pas le cas. Les recettes fiscales ont atteint leur pic par rapport au PIB en 2012. Nous sommes désormais à des niveaux qui sont plus en phase avec ceux des récessions. Pourtant, et ce en raison des interventions artificielles, la Bourse reste déconnectée des chiffres économiques.

Les bénéfices des entreprises disent la vérité

En ce qui concerne l’état des marchés, les bénéfices des entreprises sont le meilleur indicateur de la vigueur économique. (…)

Ci-dessous, lorsque nous examinons les marges ajustées à l’inflation en tant que pourcentage du PIB lui aussi ajusté à l’inflation, nous voyons que nous assistons toujours un retour à la moyenne. Et, bien sûr, ces retours à la moyenne sont ensuite suivis d’une récession, d’une crise ou d’un marché baissier.

Il est encore plus crucial de noter que les marges des entreprises ont des limites physiques. Pour chaque dollar de chiffre d’affaires généré, il y a un coût à supporter en termes d’infrastructure, de recherche et développement, de salaires, etc. Actuellement, les plus gros contributeurs à l’augmentation des marges sont la réduction de la main-d’œuvre, les salaires, et les taux à des niveaux artificiellement bas qui ont fortement réduit le coût du crédit. Si l’un de ces paramètres devait changer, l’impact sur les marges devrait être significatif. Ci-dessous, nous pouvons voir la valeur du S&P 500 par rapport aux marges des entreprises :

(…) J’ai souvent suggéré que les taux bas, les changements de règles comptables et les rachats d’actions financés avec de la dette ont changé les règles du jeu. Si tout ceci est vrai, il est bon de se rappeler que chacun de ces supports est à la fois artificiel et limité. (…)

Si les médias s’empressent parfois d’attribuer la vigueur ou la faiblesse de l’économie à la personne qui occupe la Maison-Blanche, la réalité est fort différente.

Pour Trump, il y a un risque politique à vouloir trop s’attribuer les mérites pour la performance du cycle économique en cours, dont le redressement était déjà bien entamé lorsqu’il est entré en fonction. Au lieu de se vanter des statistiques économiques et de s’attribuer la performance des marchés financiers qui est alimentée en vérité par les liquidités, il devrait utiliser cette vigueur pour démarrer un processus visant à remettre le pays dans les clous fiscaux plutôt que de s’engager dans des dépenses publiques folles.

Si la croissance de l’économie et des marchés est en train de battre tous les records, le simple bon sens suggère que nous nous rapprochons de plus en plus de la fin. Ce n’est pas du pessimisme, mais la simple réalité.

Durant la dernière décennie, les politiciens ont manqué l’opportunité d’utiliser les 33 trillions de dollars d’injection, les taux planchers et la hausse des prix des actifs pour refinancer la sécurité sociale, équilibrer le budget et créer des réserves pour se prémunir de la prochaine récession. Au lieu de cela, les déficits se sont aggravés. L’économie américaine démarrera la prochaine récession avec un déficit annuel de 2 trillions de dollars, une dette de 24 trillions et un sous-financement des retraites de 6 trillions, qui va impacter terriblement bon nombre de retraités.

Tandis que Trump dénonçait « la grosse bulle horrible de Yellen » avant d’être réélu, il utilise désormais les marchés actions en tant que symbole de la réussite de sa présidence. Il va probablement le regretter.

« Alors Jésus lui dit : « Remets ton épée à sa place ; car tous ceux qui prendront l’épée périront par l’épée. » Matthieu 26:52

Source : RIA