Si la haute administration chinoise comporte de nombreux économistes qui ont été formés en Occident, cela signifie-t-il qu’elle n’aura pas le courage de dire non aux politiques monétaires des banques centrales occidentales ? Pourra-t-elle capitaliser sur sa politique qui a fait la promotion de l’or durant ces dernières années ? Si la Chine devait prendre une telle voie, elle pourrait ressortir plus forte de la prochaine crise.

Stratégie financière et monétaire post-Mao

Suite à la disparition de Mao Tsé Toung en 1976, le leadership chinois s’est retrouvé face à une question existentielle. Après le départ de Mao, l’élément qui était parvenu à rassembler plus de 40 groupes ethniques n’était plus. Il s’agissait de la fin d’une ère, qui exigeait de définir une nouvelle approche. Un échec aurait fait courir à la Chine le risque de la dislocation à travers la désobéissance civile, voire même une guerre civile multiethnique.

Des gens sages, qui avaient observé les succès remarquables de Hong Kong et de Singapour sous l’impulsion de la diaspora chinoise, ont pris le dessus. Il était clair que pour assurer sa survie, le parti communiste chinois devait adopter le capitalisme tout en conservant le contrôle politique du pays. Le successeur désigné de Mao, Hua Gofeng, n’a pas tenu un an vu qu’il était arrivé là en raison de sa loyauté indéfectible. C’est son successeur, Deng Xiaoping, qui a réinventé la Chine. À la fin des années 70, Deng a redéfini l’ennemi principal de la Chine, l’Union soviétique, en raison de son implication au Vietnam. À ce moment clé de la Chine, celle-ci a pu établir une relation stratégique avec les États-Unis grâce à cet ennemi commun.

Les graines de cette relation avaient déjà été plantées en 1972 par la visite de Nixon en Chine. Les Américains étaient prêts à accompagner l’entrée de la Chine dans leur monde. Au cours des années 80, la Chine s’est ouverte aux investissements des sociétés américaines et autres. La construction d’usines à la main-d’œuvre bon marché a démarré.

En 1983, il est devenu clair que la Banque centrale chinoise avait un problème monétaire grandissant vu qu’elle accumulait toutes les devises étrangères disponibles afin de pouvoir émettre du yuan utilisé sur son marché intérieur. La banque centrale a donc mis en place une politique du yuan faible afin de stimuler le développement économique du pays. Elle était également la seule à pouvoir acheter des métaux précieux pour contrebalancer cette politique, les Chinois n’avaient pas le droit d’acheter de l’or et de l’argent métal.

Années 80 : les achats d’or démarrent

À l’époque, les achats d’or chinois étaient dictés par le simple impératif de diversification des réserves du pays. Les leaders chinois avaient compris la différence entre l’or et l’argent papier, comme les Arabes l’avaient fait dans les années 70 ou encore les Allemands, dans les années 50. Il était prudent d’avoir de l’or physique. De plus, la théorie économique marxiste enseignée dans les universités d’État avait imprimé dans la tête des étudiants que le capitalisme occidental était certain de mourir, et par corollaire que les devises papier perdraient leur valeur.

L’accumulation secrète d’or par la Chine durant les années 80 était aussi une assurance contre une future instabilité économique. C’est pourquoi le métal fut dispersé via des institutions clés telles que l’armée, le parti communiste et les jeunesses communistes. Seule une infime fraction de l’or fut déclarée en tant que réserves.

Durant les années 90, les entrées de capitaux ont commencé à être complémentées par les revenus des exportations. C’est alors qu’une nouvelle classe de Chinois riches a émergé. La Banque centrale chinoise disposait toujours d’une montagne embarrassante de dollars. Heureusement, l’or était boudé par les Occidentaux, et donc disponible à des prix toujours plus intéressants. La Banque centrale chinoise fut ainsi en mesure d’acheter de l’or en grande quantité et en catimini pour le compte d’institutions du pays.

La fin de l’URSS bouleverse le rôle de l’or

En 1989, la fin de l’URSS signifia la disparition de l’ennemi commun de la Chine et des États-Unis, ce qui altéra la relation stratégique entre les deux. Cela déboucha sur une modification graduelle des relations bilatérales, l’Amérique s’inquiétant de plus en plus de l’émergence de la Chine en tant que superpuissance, qui menaçait son hégémonie.

Ce bouleversement des relations a modifié la politique de la Chine concernant l’or. D’une assurance générale contre les incertitudes monétaires, on passait à l’accumulation d’un actif stratégique.

Les lingots d’or étaient disponibles en grande quantité, notamment parce que les banques centrales occidentales vendaient sur fond de marchés en chute libre. La célèbre vente d’or britannique par Gordon Brown au plus bas du marché fut le symbole de la désaffection généralisée de l’or parmi les banques centrales occidentales. La Chine prenait le contre-pied de cette tendance. Entre 1983 et 2002, les mines ont produit 42.460 tonnes d’or alors que les Occidentaux vendaient des lingots existants.

Cette politique chinoise en faveur de l’or est évidente. Ce pays investit lourdement dans les mines d’or, il s’agit désormais du producteur numéro 1 mondial indiscuté. Les raffineries d’État importent également de l’or, elles ont créé un nouveau standard de lingots d’or d’un kilo. Aujourd’hui, la mainmise de la Chine sur le marché mondial de l’or physique va crescendo.

2002 : les Chinois peuvent acheter de l’or et sont même encouragés à le faire

En 2002, la Chine a décidé de permettre à la population d’acheter de l’or. Les médias d’État vantèrent même un tel investissement. On peut être sûr que si le gouvernement chinois a pris une telle décision, c’est qu’il avait établi qu’il avait accumulé lui-même suffisamment d’or.

La population chinoise a acheté environ 15.000 tonnes d’or depuis 2002, si on se base sur les livraisons du Shanghai Gold Exchange. Vu que les Chinois ne peuvent toujours pas posséder des devises étrangères, l’or devrait continuer d’être populaire en tant que réserve de valeur alternative au yuan. Chaque mois, le SGE livre entre 150 et 200 tonnes d’or.

Au-delà des réserves déclarées, il est difficile de savoir combien d’or la Chine possède véritablement. En se basant sur les flux des capitaux à partir de 1983, la quantité d’or disponible via la production minière et l’impact du marché baissier de 1980-2002, la Banque centrale chinoise aurait pu accumuler entre 15.000 et 20.000 tonnes.

Personne ne connaît la vérité, mais il est clair que l’or est un actif stratégique en Chine. Elle doit donc s’attendre à ce que l’or à long terme soit de nouveau une monnaie, peut-être qu’il garantira la valeur du yuan. Si ce n’est pas le cas, quel serait le sens de cette stratégie visant à régner en maître sur le marché de l’or ?

Mais il y a un problème. Alors que le temps passe, une nouvelle génération de leaders émerge, façonnée par les universités occidentales. Vont-ils reconnaître la valeur de l’or, les raisons de l’échec économique occidental tandis qu’ils adoptent ses politiques économiques et monétaires ?

Si les Chinois devaient revenir à un système monétaire basé sur l’argent sain, il serait difficile pour les États-Unis de s’aligner. De plus, les finances de l’Oncle Sam sont déjà au plus mal. Le retour de l’argent sain signifierait la réduction des dépenses publiques, un scénario jugé irréaliste par tous les observateurs. Ce problème ne concerne pas le gouvernement chinois.

Que la Chine implémente ou pas ce plan ne change rien au fait que la prochaine crise se déclarera, et qu’elle aura un impact sur toutes les devises papier.

Source : SafeHaven (traduction élaguée)