Article de Frank Shostak, publié le 8 août 2016 sur mises.org :

Pour la plupart des experts, la déflation – qu’ils définissent comme un déclin général des prix des biens ainsi que des services – est une mauvaise chose en ce qu’elle génère des prévisions d’un ultérieur déclin plus ou moins continu de ces mêmes prix.

Par conséquent, ils estiment que dans un tel cas de figure, les consommateurs reporteront leur consommation – c’est-à-dire leurs achats de biens et de services –, car ils attendront d’acheter ces produits à des prix inférieurs à l’avenir. Cela affaiblirait donc le flux global des dépenses et, à son tour, l’économie en général.

En d’autres termes, ces experts soutiennent que les politiques publiques qui ont vocation à lutter contre la déflation, luttent aussi contre la crise.

À ce propos, si la déflation conduit à une crise économique, la lutte contre la déflation devrait-elle être forcément bonne pour l’économie ?

Inverser la déflation impliquerait l’introduction de politiques publiques qui soutiennent l’augmentation générale des prix des produits et des services, c’est-à-dire des politiques qui soutiennent l’inflation. Cela revient à affirmer que l’inflation est en réalité un agent de la croissance économique.

Selon la plupart des experts, un peu d’inflation peut être en réalité une bonne chose. Ainsi, une idée se faufile : à savoir qu’une inflation de 2 % n’est pas nuisible à la croissance économique mais que, en revanche, 10 % peuvent causer des dégâts – la cible du gouvernement fédéral est en effet 2 % d’inflation.

Ainsi, l’on peut conclure qu’à un taux d’inflation de 10 %, il est probable que les consommateurs émettront eux-mêmes des prévisions d’une inflation ultérieure encore davantage ascendante.

Selon la façon populaire de penser l’économie, en réponse à un taux d’inflation élevé, les consommateurs devraient hausser leur consommation actuelle de biens et de services. Par conséquent, cela devrait booster la croissance économique.

Dans ce cas, pourquoi un taux d’inflation de 10 % – ou plus – est considéré comme une mauvaise chose par les experts ?

Il y a clairement un problème avec les définitions communément acceptées de ce que sont l’inflation et la déflation.

L’inflation n’induit pas forcément une hausse des prix

En réalité, l’inflation n’induit pas une hausse générale des prix en tant que tels ; elle induit une hausse de la masse monétaire. En ce sens, et en règle générale, la hausse en matière d’approvisionnement monétaire mène à une augmentation générale des prix. Cela n’est toutefois pas toujours le cas !

Le prix d’un bien est le montant d’argent demandé par unité en échange de celui-ci. Pour une quantité constante d’argent et une quantité croissante de marchandises, les prix vont effectivement baisser.

Les prix vont également baisser lorsque le taux de hausse de l’offre de biens dépasse le taux de hausse de la masse monétaire. En guise d’exemple, si l’offre monétaire augmente de 5 %, et la quantité de biens augmente de 10%, les prix vont baisser de 5%, toutes choses étant égales par ailleurs.

Dans cet exemple, une baisse des prix ne peut pas dissimuler le fait que nous ayons ici une inflation de 5 %, en raison notamment de la hausse de la masse monétaire.

La hausse des prix n’est pas le problème dans le cadre de l’inflation

Somme toute, la raison qui fait que l’inflation est une mauvaise nouvelle, n’est pas le fait que les prix – en tant que tels – augmentent ; il s’agit d’une mauvaise nouvelle en ce qu’elle inflige des dommages au(x) processus de formation des richesses. Voici pourquoi :

la fonction principale de l’argent est de jouer le rôle de moyen d’échange. L’argent nous permet d’échanger quelque chose que nous possédons pour quelque chose que nous voulons posséder.

Avant que cet échange ne se produise, un individu doit posséder quelque chose d’utile qu’il peut échanger contre de l’argent. Une fois qu’il a obtenu la somme d’argent en question, il peut l’échanger à son tour pour un ou plusieurs biens qu’il veut avoir en sa possession. Notez que par le biais de l’argent, nous avons ici un échange de quelque chose pour quelque chose d’autre.

Cela étant dit, envisagez à présent une situation où l’argent est créé à partir du néant – c’est précisément ce que fait le contrefacteur. Ce type d’argent induit une plate-forme où un échange de « rien » se fait en contrepartie de « quelque chose ». Le contrefacteur échange de l’argent imprimé pour des produits, sans pour autant produire quelque chose d’utile à son tour.

L’effet économique émanant de l’argent qui a été créé à partir de l’« air mince », est exactement le même que celui induit par la fausse monnaie : il appauvrit les générateurs de richesses.

A terme, ce processus mène à un affaiblissement de la croissance économique. Notez que seules les activités génératrices de richesses peuvent générer de la richesse et, partant, développer une économie.

Notez aussi que, en conséquence de l’augmentation de la masse monétaire que nous avons ici, nous avons également plus d’argent par unité de produits, et donc des prix plus élevés. Ce qui importe toutefois, ce n’est pas tant la hausse des prix en tant que tels, mais la hausse de la masse monétaire qui implique des échanges « de rien pour quelque chose » : mouvement que l’on peut définir comme « l’effet de contrefaçon ».

Comme nous avons pu le voir, l’« échange de quelque chose pour rien » affaiblit le processus de création de richesses réelles. Par conséquent, tout ce qui favorise la hausse de l’offre monétaire ne peut qu’empirer les choses. Ainsi, l’inflation étant une augmentation de la masse monétaire, la déflation est exactement le contraire : une diminution de la masse monétaire.

Nous avons vu que l’augmentation de la masse monétaire – en d’autres termes : l’inflation – donne lieu à diverses activités non productives, que nous pouvons également appeler des « activités à bulles » ou « à ballons ».

Les politiques publiques « accomodantes » détournent les ressources en direction d’activités non productives

C’est justement parce que ces activités ne peuvent pas tenir debout sur leurs propres pieds – ils exigent le détournement de richesses en provenance des générateurs de richesses –, que l’augmentation des activités « à bulles » – due notamment à l’augmentation de la masse monétaire – affaiblit la capacité des générateurs de richesses à générer… justement de la richesse.

Par conséquent, les politiques monétaires visant à contrer une baisse des prix (c’est-à-dire les politiques publiques qui luttent contre la déflation), ne font que soutenir les activités non productives. De telles politiques peuvent produire l’illusion d’un succès aussi longtemps qu’il y a suffisamment de générateurs de richesses pour financer ces mêmes activités non productives.

En guise d’exemple, supposons que dans une société lambda, séparée en 10 unités, 8 réalisent des profits et 2 autres enregistrent des pertes. Le responsable peut décider de fermer ou de restructurer les 2 unités non rentables. À défaut de le faire, ce même responsable pourrait détourner des fonds à partir des générateurs de richesses, en direction des départements déficitaires. En ce faisant, il affaiblirait le fondement de l’ensemble de l’entreprise. Sans une suppression ou une restructuration des départements déficitaires, le risque que l’ensemble de l’entreprise fasse faillite est bel et bien réel.

De cet exemple simple, nous pouvons déduire que lorsque le pourcentage d’activités génératrices de richesses diminue fortement, il n’y a dès lors pas assez de richesses pour soutenir une expansion de l’activité économique. L’économie tombe alors dans une stagnation et/ou dépression prolongée(s). Dans ces conditions, plus la banque centrale tentera de corriger les symptômes, plus les choses empireront.

Toutefois, une fois que les activités non productives sont « autorisées » à aller de l’avant, et que les sources nécessaires à la hausse de la masse monétaire sont mobilisées, l’on pourrait prochainement espérer une véritable expansion de la production de richesses. À ce propos, avec une expansion de la richesse réelle, accompagnée d’un stock constant d’argent, nous aurons logiquement une baisse des prix. Notez que si les prix baissent en raison de la liquidation des activités non productives, ou alors à cause de l’expansion réelle des richesses, ce sera toujours une bonne nouvelle. Dans le premier cas, cela signifierait que davantage de financements seront à disposition pour la production de richesses, tandis que dans le second cas, cela signifierait que plus de richesses seront effectivement générées.

Somme toute, il en découle que la principale menace pour l’économie n’est pas tant la déflation, mais les politiques qui visent à la contrer.

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