La menace de guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, dans laquelle tout le monde sera perdant si elle se déclare, pourrait-elle être évitée pour déboucher en lieu et place sur une issue positive pour tout le monde ? Je le pense. En fait, je pense que la Chine a déjà pris des mesures initiales pour arriver à cette issue plus bénigne, en tout cas à court terme.

L’or est au centre de cette issue. Je pense que l’or a déjà entamé un marché haussier qui devrait être l’un des plus fantastiques de son histoire. La réévaluation du prix de l’or à la hausse pourrait permettre d’éviter une guerre commerciale.

Les contrats à terme en yuans sur le pétrole, dont j’ai beaucoup parlé, sont l’un des éléments qui permettront au métal jaune de s’envoler. Les échanges de ces contrats ont démarré à la fin du mois de mars dans la zone franche de Shanghai, et jusqu’à présent cela se passe bien. Le contrat a déjà séduit 2 grandes sociétés occidentales, Glencore et Trafigura. Je pense que d’autres vont suivre.

Mais si le pétro-yuan est l’élément le plus visible de la danse or/yuan/dollar qui a lieu en ce moment, un autre événement est en train de se dérouler sans que personne ne s’en préoccupe, et qui est pourtant aussi significatif. En fait, lorsque j’en ai pris connaissance, j’ai été assez estomaqué. Ce fait est le suivant : depuis ces 2 dernières années, l’or et le yuan fluctuent de façon presque synchronisée. Il s’agit d’une réalité assez remarquable, car je pense que cela a été délibérément orchestré par la Chine. Cela signifie la possibilité d’une alternative à la guerre commerciale, que les États-Unis devraient accepter.

Pour expliquer les tenants et aboutissants, je dois quelque peu revenir en arrière. Avant de lancer les contrats à terme en yuans, la Chine devait faire en sorte que sa devise inspire confiance. De nombreux investisseurs, qui se rappelaient encore de la dévaluation aiguë du yuan en 2015, craignaient de nouvelles interventions du gouvernement chinois. La Chine a donc pris des mesures pour rendre ses marchés plus ouverts. Récemment, Morgan Stanley a reconnu les progrès accomplis. Cette banque, qui est une référence des indicateurs des bourses étrangères, a ainsi autorisé davantage de titres chinois à être inclus dans ses indicateurs.

L’or et le yuan évolue de concert

L’autre raison qui instille la confiance dans le yuan est sa convertibilité en or à la bourse de Shanghai. Il s’agit d’une caractéristique attractive, même s’il ne s’agit pas d’un adossement pur et dur de la monnaie au métal, qui serait mieux. Après tout, ce dispositif permet de prendre possession du métal physique, ce qui est parfois encombrant. L’or, dont le prix peut fluctuer, doit être stocké, expédié vers un autre pays ou être de nouveau échangé en yuans ou en dollars pour conclure d’autres transactions commerciales.

Il serait préférable que la valeur du yuan soit déterminée par le cours de l’or. Cela signifie que toute personne qui détient la devise chinoise recevrait la garantie que la valeur du yuan suive les fluctuations de l’or. Et comme je l’ai déjà dit, c’est exactement ce que le gouvernement chinois est en train de faire en coulisse. Comme nos graphiques le montrent, cela fait plus d’un an que la moyenne mobile de l’or libellé en yuan est stable. À quel point ? Depuis le 31 janvier 2017, l’once d’or est à 8500 yuans, avec une variation maximale de moins de 1,5 % durant cette période. (…)

Je pense que durant ces 12 à 24 derniers mois, les Chinois ont expérimenté afin de tenter d’arrimer la valeur de leur monnaie à celle de l’or. Jusqu’à présent, c’est un succès. Je parie également que grâce à l’accumulation d’or du gouvernement chinois, l’expérience a porté sur le pilotage de la valeur de l’or comme du yuan. Mais à ceux qui liraient ces lignes et qui s’enthousiasmeraient à l’idée de faire de l’arbitrage, mon conseil est de ne pas s’emballer, à moins que vous ne souhaitiez vous couvrir dans l’éventualité d’une hausse du prix de l’or libellé en yuans.

Guerre commerciale et hausse du prix de l’or

Il se peut que vous vous demandiez en quoi cela pourrait éviter la guerre commerciale qui nous pend au nez. C’est assez complexe, donc accrochez-vous. Je vais démarrer avec la citation d’un officiel chinois qui a déclaré qu’aucun pays souverain ne devrait désirer posséder la devise de réserve mondiale. Cela s’explique par le fait qu’une monnaie de réserve doit toujours être surévaluée en raison de la demande en provenance des pays qui en ont besoin pour conclure leurs échanges.

Lorsqu’une devise est surévaluée, un pays dispose de 2 choix. Soit avoir un déficit commercial, soit restreindre les mouvements de sa devise, cette seconde option étant largement néfaste pour l’économie mondiale. La surévaluation du dollar, inhérente à son rôle de devise de réserves, est au cœur des déficits commerciaux qui irritent tant Donald Trump.

Au lieu de se faire du tort mutuel avec des droits de douane, la Chine pourrait offrir aux États-Unis la promesse d’un yuan qui s’apprécie durablement. Cela ne signifierait pas le doublement de la valeur de la devise chinoise du jour au lendemain. Non, la Chine accepterait de voir le yuan s’apprécier de X pour cents pendant X mois. Cela permettrait à la valeur du dollar de baisser, ce qui améliorerait la compétitivité américaine sans impacter drastiquement la croissance économique mondiale.

Pendant que le dollar baisserait, l’or grimperait, pour 2 raisons. La première est la capacité de la Chine à contrôler son prix, ce qui est prouvé par la corrélation yuan/or décrite ci-dessus. La seconde raison se trouve du côté des changements systémiques qui impactent l’économie mondiale, le poids grandissant des émergents, qui va déboucher sur la rareté des matières premières et l’augmentation de leur prix, ce qui aura un effet mécanique sur le prix de l’or.

J’ai récemment cité Science Magazine qui a écrit que le boum du développement des infrastructures dans le monde en voie de développement est l’événement de ce genre le plus massive de l’histoire. Ces constructions incessantes d’une valeur de plusieurs trillions de dollars devraient durer plus d’une génération et exigeront une quantité inouïe de matières premières.

Reste à savoir si la planète dispose de suffisamment de ressources pour atteindre le but le plus fondamental de ces grands travaux, qui est la transition des sources énergétiques finies, soit fossiles, vers les énergies renouvelables. En revanche, il ne fait aucun doute que les prix des matières premières vont augmenter.

La sagesse conventionnelle affirme que la Chine doit continuer à exporter à un rythme élevé pour poursuivre sa croissance économique. Si cela est vrai, cela ne s’applique qu’à court terme. À terme, la Chine souhaite disposer d’une devise plus forte afin d’augmenter son pouvoir d’achat sur le marché des matières premières, toujours plus rares, et pourtant si nécessaires à sa croissance. Quoi de mieux que de se reposer sur l’or pour atteindre cet objectif. (…)

À terme, les risques pour la croissance américaine seront réels alors que la baisse du dollar rend plus chères les importations de matières premières en provenance des émergents.

L’or à 20.000 $

Jusqu’à présent, mes prévisions concernant la Chine, les contrats à terme et l’or se sont largement avérées justes. Quelqu’un s’était notamment moqué de moi lorsque j’avais parlé il y a 6 ans des contrats à terme sur le pétrole. Mais même si j’ai saisi les grandes lignes de ce qui se trame, il y aura beaucoup de retournement sur le chemin qui mènera le métal jaune à 20.000 $, il y aura beaucoup de choses qui vont m’échapper. Je n’avais par exemple pas cru possible que la Chine puisse un jour, malgré l’énorme quantité d’or qu’elle a accumulé, maintenir la valeur du yuan constante par rapport à l’or. (…) »

Article de Stephen Leeb, publié le 9 avril 2018 sur KWN