Article de Michael Pento, publié le 8 août 2016 sur SafeHaven.com :

Dans une interview récente, l’ancien président de la Réserve fédérale américaine, Alan Greenspan (appelé aussi le « Maestro »), a averti que l’économie connaissait « les premiers signes de stagflation ». Ceci est une des rares occasions où M. Greenspan et moi-même sommes effectivement d’accord. A ce propos, j’avais également prévenu que la stagflation arrivait, dans mon texte intitulé « Il est temps d’investir pour la stagflation », qui a été publié il y a plusieurs mois de cela.

En effet, l’économie des États-Unis – et, en réalité, la totalité du monde économiquement développé – traverse les premières étapes de l’arrivée d’une stagflation sans précédent. La raison principale pour cela peut se résumer en un seul et unique mot : la dette. La dette dirige non seulement les économies vers des taux de croissance faibles ; elle inflige également l’inflation aux nations qui en sont concernées.

La dette publique et privée, en tant que pourcentage de l’économie, avait été de 150 % pendant des décennies, avant que l’étalon-or ne disparaisse en 1971 – une norme d’argent que Greenspan a lui-même préconisé avant de devenir président de la Fed. Le ratio de la dette totale au produit intérieur brut a grimpé de 350 % avant la grande récession de 2007-2009, et force est de constater qu’il demeure très près de ce niveau aujourd’hui. Notons aussi que le niveau annuel de l’« encre rouge » a commencé à augmenter fortement. Le déficit budgétaire de 2016 devrait atteindre 600 milliards de dollars, ce qui représenterait une hausse de plus de 35 %, comparé à l’exercice fiscal de 2015.

En fait, la dette mondiale, dans son ensemble, a fait l’objet d’une hausse s’élevant à 230 trillions de dollars – environ 60 trillions depuis 2007. Cela représente près de trois fois la taille de l’ensemble de l’économie mondiale. Cette dette engendre par ailleurs la stagflation, car il est naturellement difficile d’investir dans de la croissance lorsque l’économie atteint des charges d’endettement aussi drastiques. La partie néfaste de cette accumulation de la dette dans le monde entier, c’est que celle-ci n’a pas conduit à l’accumulation de biens de capital, capables d’accroître effectivement la productivité.

Bien qu’il soit vrai que les paiements de la dette sont actuellement à des niveaux historiquement bas, il est également vrai que les niveaux d’endettement atteignent des niveaux records tant en termes nominaux, qu’en pourcentage de l’économie. Par conséquent, les paiements à faibles intérêts sont le résultat direct d’une bulle sans précédent dans le marché obligataire. Les individus sont intuitivement conscients de cet environnement de taux instables, et doivent donc préparer leurs bilans pour une hausse des coûts de portage.

Ce qui est encore plus important, c’est qu’une économie de la dette saturée ne peut pas fonctionner correctement car elle est entachée par des déséquilibres de capitaux et des bulles d’actifs, qui doivent être dénoués afin que les crédits et les épargnes fonctionnent de manière efficace. A ce propos, notons que nos dirigeants économiques semblent vouloir endurcir ce cercle vicieux.

Le Japon représente un parfait exemple dudit dysfonctionnement. En effet, la nation est maintenant sur le point d’entreprendre son 26e voyage à travers la notoire voie des dépenses déficitaires qui ne mène nulle part, et ce notamment depuis que la bulle de sa propriété a explosé en 1990. Et malgré les multiples récessions durant les décennies passées, le gouvernement s’obstine à prôner l’idée féérique qu’une dette supérieure à 240 % – par rapport au PIB – est nécessaire pour relancer l’économie du pays.

Cependant, les effets de l’endettement improductif sont loin d’être visibles seulement au Japon. À titre d’exemple, le PIB des États-Unis – en moyenne – est seulement de 2,1 % depuis 2010. Et ce taux de croissance anémique a creusé encore plus bas durant cette période : jusqu’à seulement 1,2 % au cours de l’année passée, tandis que lors du premier semestre de 2016, il n’a été que de 1 %.

Notons à ce propos que le Fonds monétaire international (FMI) a récemment abaissé ses prévisions concernant l’ensemble de l’économie mondiale en 2016, estimant son PIB moyen à seulement 3,1 %.

Il est donc légitime de se demander comment exactement la stagflation engendre l’inflation.

S’il y a une chose dont toutes les banques centrales sont bêtement d’accord, c’est que l’objectif d’inflation de 2 % est maintenant obligatoire pour la croissance. Selon Haver Analytics, les bilans de la Fed, de la Banque centrale européenne, de la Banque d’Angleterre, de la Banque du Japon et de la Banque populaire de Chine, ont grimpé à 17,2 trillions de dollars – à partir des 6,5 trillions de dollars –, et ce au cours des huit dernières années.

En poursuivant cette tâche insolente, les bilans de la BCE et de la BOJ montent au rythme effréné d’un crédit combiné de 180 milliards de dollars par mois. Qui plus est, la Banque d’Angleterre vient d’intensifier son programme d’achat d’actifs à un total de 570 milliards de dollars. Mais contrairement à ce que la plupart des keynésiens vous diront, l’inflation ne vient pas d’un faible taux de chômage, mais plutôt d’un rapport entre, d’un côté, trop d’argent et, de l’autre, trop peu de biens.

Par conséquent, il serait stupide de supposer que les banques centrales peuvent atteindre avec précision leurs objectifs d’inflation de 2 %. Les dépenses déficitaires téméraires, la flambée de la dette par rapport au PIB, et l’augmentation ingérable dans les bilans des banques centrales, finiront par éroder la confiance des banquiers centraux dans le maintien d’un pouvoir d’achat de la monnaie fiduciaire. Dès lors, l’inflation ne disparaîtra pas simplement et par magie à 2 % ; elle dépassera ce niveau et continuera à s’amplifier.

Ce retour de l’inflation va provoquer, à son tour, un exode massif du marché obligataire. On peut d’ailleurs observer comment les vendeurs à découvert commencent déjà à s’y empiler sur la surface. Le marché obligataire va répondre à des rendements violents, atteignant assez rapidement jusqu’à 100 de points de base – comme les offres d’obligations de rendement. Qui plus est, les banques centrales seront supplantées par un marché qui légitimera des exigences de taux encore plus élevés. Et bien sûr, la flambée inévitable des payements de la dette rappellera aux gouvernements surendettés que leurs dettes sont complètement insolvables.

Une accumulation sans précédent de la dette publique improductive, qui est d’autant plus alimentée par une augmentation massive de la masse monétaire mondiale : ceci est la recette parfaite pour une stagflation au niveau mondial. Mais la vérité est que la stagflation n’est pas quelque chose que l’on aperçoit à l’horizon, elle est déjà bel et bien arrivée sur place.

La caractéristique principale d’une économie saine, c’est d’avoir un taux de croissance réel qui représente le double du rythme de l’inflation. Aujourd’hui, ce signe de prospérité a été mis complètement à l’envers. Année après année, l’indice des prix de consommation de base témoigne d’une hausse de 2,3 %, alors que le PIB réel n’a augmenté que de 1,2 %. L’inflation s’étend à une vitesse qui est deux fois supérieure aux taux de croissance économique réels !

La stagflation n’est pas seulement un risque économique que nous devons craindre à l’avenir ; il s’agit d’un phénomène dont les consommateurs sont obligés de faire face à l’heure actuelle. L’ancien « Maestro » s’améliore peut-être avec l’âge. Les investisseurs devraient préparer leurs portefeuilles pour une longue période de hausse des prix ainsi que pour une longue période de ralentissement de la croissance.

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